26 avril 2024, 23:59

GOJIRA + MASS HYSTERIA

@ Biarritz (Ocean Fest)


« When you change yourself, you change the world »

C’est par ces vers extraits de la chanson ''Silvera'' de GOJIRA que l’on pourrait résumer le mot d’ordre de cette soirée très spéciale, placée sous le signe de l’environnement, et plus précisément de l’engagement de certains acteurs autour de la sauvegarde de notre océan.

Mais c’est quand même drôle, parfois, les coïncidences...

Sur la façade de notre maison, là où j’ai grandi et où je redescends encore passer du temps, il y a au premier étage un petit vitrail qui représente le blason historique de la ville de Biarritz : une barque avec des pêcheurs prêts à harponner une baleine sous l’eau. C’est dans cette ville, "ma" ville, que l’Ocean Fest se tient pour la troisième année consécutive, festival à but caritatif co-organisé par le journaliste activiste Hugo Clément, et qui accueille ce soir la crème du metal français, MASS HYSTERIA et GOJIRA en tête d’affiche. Tous les bénéfices de ce concert exceptionnel seront reversés à des associations de défense de l’environnement tels que Sea Shepherd. Et c’est donc drôle que pour une telle action, médiatique et militante, l’on choisisse une ville qui n’a vécu un temps qu’avec sa principale ressource - la chasse à la baleine -, et que ces mêmes cétacés aient longtemps été associés à l’imagerie aussi lourde que céleste de nos amis de GOJIRA, fierté locale depuis des années, et devenue l’une des plus grosses sensations internationales ever

Dans l’après-midi, je suis justement allé faire mon petit pèlerinage le long du littoral, en partant de ma Côte des Basques natale pour me nourrir de ces embruns vivifiants qui n’ont cessé de me gifler les joues, déjà dans la poussette, il y a bientôt 50 ans - et en poursuivant jusqu’à l’Atalaye, plateau surplombant le port où jadis des vigies scrutaient l’horizon de la baie de Biscaye, pour aussitôt partir à l’assaut des mammifères marins repérés. C’est donc avec les sensations de cet océan, tempétueux comme le climat local et le caractère de ses habitants, que je me suis nourri à l’avance des perspectives de la soirée, unique, inédite et privilégiée : on allait assister au seul concert européen de GOJIRA de l’année, auprès de seulement 4500 convives aussi passionnés, venus pour la plupart de toutes les provinces du sud-ouest, évidemment d’Espagne, ou d’ailleurs. 

Oh, pour l’occasion, le show aurait pu se tenir sur le sable, près de ces ourlets d’écume ; mais les marées de la Côte sont plutôt capricieuses et envahissantes, et la Grande Plage centrale, trop guindée et ''carte postale'', ne fait pas non plus très Copacabana - d’autant plus qu’en ce vendredi 26 avril, il fait froid, pluvieux, venteux et orageux. Et puis, un festival sur la plage, en 2024, ce n’est justement pas très écolo non plus.


MASS HYSTERIA avait déjà joué à l’Atabal en octobre dernier, sympathique petite salle située à seulement quelques centaines de mètres de cette bien plus ample Halle d’Iraty, nichée derrière l’aéroport - et c’est avec un très grand enthousiasme que les Biarrots accueillent à nouveau les Parisiens, qui jouissent d’une popularité inégalée depuis bientôt trente ans dans tout l’hexagone, grâce à une main de maître, une vraie force du poignée même, et surtout avec cet entrain à aller chercher son public où qu’il soit, en le happant de ces refrains-slogans qui font bien plus mouche que n’importe quel rabatteur populiste dans nos campagnes.

Qu’il s’agisse de ''Chiens de la Casse'', ''Vae Soli !'', ''Tout est Poison'' ou ''Tenace'', le gang enchaîne uppercuts sur uppercuts, principalement tirés de ses derniers albums, tandis que ''L’Enfer des Dieux'', électrisant la moelle épinière dès la première note, fout toujours autant les poils, la puissance émotionnelle du morceau se conjuguant avec un refrain qui fait indéniablement partie de leurs plus éloquents. Mouss, très en verve, ne va pas cacher son plaisir de se frotter au public basque, qu’il compare à juste titre aux Corses et à ses camarades Bretons – et se remémore bien des anecdotes des lointaines époques où ils jouaient dans des fêtes de village, ce qui nous ramène à un ''Contraddiction'' particulièrement acclamé, notamment chez les plus anciens.

Mais la relève est là : désormais comme à son habitude, la MASS HYSTERIA Family a encore fait des petits, puisque toute une ribambelle de bambins est invitée à grimper sur scène pour un ''Furia'' visiblement aussi fun que fédérateur - ce qui, pour le coup, nous donne l’illusion de danser pendant cinq minutes dans Rio avec ''le feu dans l’cerveau''.
Mille bravos à Jamie, Rapha, Fred, Yann et Mouss pour cette première partie de luxe (ils déborderont même sur l’horaire et joueront près d’une heure trente !) : on se souviendra tous de ce Biarritz 2024 comme l’un des très grands concerts de MASS HYSTERIA, qui aurait mérité son live officiel made in Euskadi.


Pour l’anecdote, la dernière fois que j’ai pu voir GOJIRA à domicile, c’était justement dans l’intimité de l’Atabal, que le groupe avait loué pour trois jours de résidence afin de répéter les derniers préparatifs de sa tournée ''Magma'' en 2016, en ajustant son filage devant sa toute nouvelle équipe américaine... ainsi que trois-quatre autres heureux chanceux dont nous faisions partie, avec cette impression d’avoir le groupe pour nous tout seuls comme dans notre salon.

Après une grosse demi-heure d’attente devant un grand rideau baigné de bleu aux couleurs de l’Ocean Fest, son initiateur Hugo Clement vient modestement et brièvement prendre la parole pour remercier les groupes qui sont bénévolement venus jouer ce soir - et lancer la tête d’affiche : GOJIRA.


Inutile d’insister sur la fierté ressentie par ce public à l’égard de ces enfants sauvages du pays, qui donnent en leurs terres leur plus gros concert à ce jour. Bien évidemment, ce show ne s’inscrit plus dans la continuité du ''Fortitude Tour'', et apparaît comme une heureuse parenthèse au beau milieu du processus d’écriture de leur nouvel album - et, bien sûr, nous ne pouvons pas compter sur la scénographie exceptionnelle déployée lors de cette tournée pharaonique. Pourtant, il n’y a guère de quoi rougir ce soir : les lights sont absolument sublimes, savamment orchestrées (notamment sur ''Amazonia'' où le groupe paraît comme plongé dans une canopée de vert), et rivalisent avec une sono monumentale qui offre un son parfait, aussi robuste qu’ample et limpide.


D’entrée de jeu, c’est déjà la très très grande claque, assénée avec un ''Ocean Planet'' de circonstance qui assomme toute l’assistance. Et dès lors, pendant près d’1h40, GOJIRA déroule l’armada « qui défouraille » comme on disait alors il y a vingt ans : les morceaux les plus illustres de son répertoire s’enchaînent, même si Joe Duplantier entame ce ''Flying Whales'' qui le démange (et qu’il précise ne pas avoir joué depuis quinze ans !), avant de s’interrompre pour correctement démarrer un ''Stranded'' d’anthologie, rehaussé par cette rampe de lumière aveuglante à chacun des rugissements acides de guitare, désormais une signature immédiatement identifiable. S’il n’y a aucun morceau antérieur à 2005 (et donc à « From Mars To Sirius »), ''Backbone'' terrasse l’assistance comme on s’y attendait (à l’instar de son jumeau ''The Heaviest Matter Of The Universe'', cette fois joué à la fin), alors que d’autres tueries plus sophistiquées, complexes, carrément death ou plus nuancées continuent de déployer le style GOJIRA comme une armada - qui n’a toutefois pas manqué d’humour en voyant se greffer quelques mesures du ''Yellow Submarine'' des BEATLES, puisque selon le frontman, toujours aussi investi et engagé, « nous sommes tous dans le même bateau » face à ce combat.


''Another World'', ''Born For One Thing'', ''The Cell'' ou encore ''Toxic Garbage Island'' : Jean-Michel Labadie ne se ménage toujours pas en malmenant sa basse comme cet éternel jeune homme élastique qui rebondit aux quatre coins de la scène, sous les coups de boutoir de l’imposant Mario, juché sur son kit, petit frère martelant et autoritaire, mais qui nous confiera backstage avoir vécu la fin du show comme une épreuve au bout de six mois sans concerts… et donc sans la discipline rigoureuse d’une longue préparation en amont et de l’endurance qui s’en suit. Mais ça, les fans n’y verront que du feu tant le groupe, toujours aussi uni, fait montre de sa superpuissance : et si Christian reste toujours en retrait, et que Joe se montre peut-être un peu moins communicatif ce soir, alors qu’il est scruté plus que jamais par ce public qui l'a vu grandir, le quatuor, désormais meilleur atout de l’évolution du metal dans le monde, a livré une prestation à la hauteur de sa réputation et de ses propres exigences.

C’est aussi ça, la démonstration de la force basque, faite de détermination et d’une robustesse toute terrienne - un comble pour une fête de l’océan.
 

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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