19 octobre 2016, 0:20

RAMONES

"Ramones - 40th Anniversary Deluxe Edition"

Album : Ramones - 40th Anniversary Deluxe Edition

40 ans. QUA-RANTE ans !!! Quarante ans, voilà l'âge respectable du punk tel qu'il est célébré aujourd'hui en grandes pompes, telle une vénérable institution qu'il aurait pourtant tant aimé pourfendre à l'époque. Tous ces vieux ex-punks aujourd'hui proclamés garants de l'Aristocratie du Rock ont en effet pas mal retourné leur veste Vivienne Westwood pour s'auto-canoniser et s'enfiler (avec) apparats de rigueur en quête d'une respectabilité quasi-unanime, créant l'illusion chez bon nombre de suiveurs en quête de dangerosité artificielle, depuis le gérant de la franchise CBGB Lounge & Bar à l'aéroport de Newark, jusqu'à un éventuel Ministre de la Culture à la con qui viendra bien un jour inaugurer une plaque devant les chiottes d'un rade où Sid Vicious s'est jadis piqué les veines. En passant par tous les donneurs de leçon assurément spécialistes en vraie "punkitude".

Et puis les RAMONES. Quarante ans aussi. On n'est plus à ça près, à peine moins que les Stones dont on avait fêté les cinquante ans d'existence avec autant de panache et de médiatisation qu'un petit bi-centenaire de révolution française (la quoi ?), ou que la nouvelle décennie de la Reine d'Angleterre (God save the - whatever.). 
Des RAMONES on retient quoi exactement aujourd'hui les kids ? "Ah c'est un groupe ?????" Voilà le genre de réponse que l'on récolte lorsqu'on alpague un fils-à-papa dans la rue, le coinçant derrière un mur en briques en lui empoignant le col de son t-shirt made-in-Bangladesh à 25 boules chez H&M et après lui avoir asséné la question-test ultime "petit con, cites-moi au moins une seule chanson des RAMONES, et je te laisse la vie sauve...". Vous verrez, c'est jouissif les dix premières fois, effroyablement lassant les suivantes... mais tellement inévitable lorsque vous en croisez autant dans la rue, partout dans le monde - et tous les jours.
Alors non les kids, les RAMONES ne sont pas une marque de t-shirt. Ni un gadget, et encore moins un attribut lambda. C'était jadis l'un des plus grands groupes de rock'n'roll du monde, sauf que ce monde-là, et le groupe lui-même, ne le savait pas. Comme les Stooges qui n'ont jamais rien vendu à leur époque, les RAMONES voyaient assez vite leurs disques bradés après leur sortie : pourtant leurs premiers défenseurs, chez Sire, ont continué à croire en eux et à les porter à bout de bras, sans un espoir phénoménal, mais avec un soutien qui défie aujourd'hui toutes les lois de l'implication dans l'industrie musicale. 
En avril 1976, les RAMONES sortaient donc leur premier LP, « Ramones » - budget total de l'enregistrement : 6400 dollars, merci-de-faire-fissa, Dee Dee balance le tempo, 1, 2, 3, 4 ! go ! record. Pose de lascars, Perfectos élimés, jeans déchirés, sneakers odorantes, cheveux douteux et dégaine de losers devant CE mur en brique délabré, quelque part dans le quartier du Bowery dans le Lower East Side, là où punks et dealers de dope cheap avaient leurs habitudes. L'image, aujourd'hui d'Epinal, a été réexploitée un an plus tard pour leur troisième album "Rocket To Russia". Un cliché qui en 1976, n'a coûté que 125 dols' : pariez qu'aujourd'hui on rajouterait aisément deux zéros à cette somme pour en acquérir un nouveau tirage encadré dans une jolie gallerie-bien-comme-il-faut. 
« Ramones » ou la quintessence du punk - mieux, l'expression la plus honnête du rock'n'roll depuis Eddie Cochran. Certainement rien de prétentieux, juste une maitrise approximative de la musique réévaluée à travers la fureur et la vitesse, un hommage réel au rock oldie des 50's, assaisonné d'une vraie sensibilité pop, et alimentée par un excès de nervosité - et d'amphétamines. Voilà, c'est tout. Quatorze chansons pour 29 minutes et quatre secondes de morceaux d'anthologie qui définissent en toute simplicité ce que DOIT être le rock originel, pur. De l'énergie brute animée par les tourments d'une jeunesse agîtée, un background social misérable et une candide violence post-adolescente. 
On ne repassera pas en revue les quatorze missives élémentaires qui composent ce disque majeur (on ne parlera d'ailleurs pas de "tubes" ici : vous les avez aperçu dans le Top 10 à l'époque, vous ? Joey, Johnny, Dee Dee et Tommy ne sont pas les Strokes), mais si certains se demandent encore pourquoi diable parle-t-on des RAMONES ici, chez Hard Force, merci de pencher vos traditionnelles cages-à-miel vers les essentiels  "53rd &3rd", "Now I Wanna Sniff Some Glue", "Havana Affair", "I Wanna Be Your Boyfriend", "Judy Is A Punk", "Beat On The Brat" ou encore le séminal "Blitzkrieg Bop" qu'aucun être vivant de la planète ne peut mécaniquement s'empêcher de chanter à tue-tête (si, vous savez : "Hey-Ho, Let's Go" !!!). 
En cette rentrée 2016, nous sommes gâtés : « Ramones » ressort donc dans un format XXL similaire à ces luxueux coffrets commémoratifs, lourds et épais, et désormais propres aux grandes oeuvres. Ainsi retrouve-t-on dans une sobre reproduction du visuel légendaire un premier CD contenant l'album dans sa version stéréo d'origine et remastérisée, à la suite duquel on découvre une surprenante version mono des quatorze morceaux, dynamités ici par un mixage forcément plus vif et virulent, quasi-live et animal, chacun des titres étant brutalement introduit par le décompte de Dee Dee Ramone. Ce mix a été retravaillé pour l'occasion et est donc complètement nouveau. Et c'est foutrement abrasif !!!
Le CD n°2 est une extension de ce que nous proposait déjà Rhino/Warner en 2001 lorsque le label avait déjà opéré une réédition réussie mais simple de l'album, entamant alors toute une série de réhabilitation de toute la discographie des new-yorkais. On retrouve alors peu ou prou certains des bonus d'il y a quinze ans, pour la majorité des démos ici tout juste remastérisées (les classiques, ainsi que "You Should Have Never Opened That Door"), accompagnées d'autres maquettes inédites, telles que ce ""You're Gonna Kill That Girl", "What's Your Game", ou bien encore de versions single (mono et stereo) de "Blitzkrieg Bop", ou une première tentative non-censurée de "Today Your Love, Tomorrow The World" - soit dix-huit pépites plus ou moins poussiéreuses bienvenues, huit d'entre elles étant de réelles découvertes.
Le troisième CD contient l'intégralité des deux concerts donnés le même jour au Roxy de Los Angeles le 11 août 1976 au cours d'une de ces tournées-marathons dont ils avaient déjà le secret. Deux set-lists absolument identiques des deux gigs de l'après-midi et de la soirée : le premier était déjà connu mais le second enregistrement est officiellement inédit, ce qui saura ravir les connaisseurs et collectionneurs complétistes.
Enfin, outre un sympathique livret au format 12 pouces (qui contient d'autres photographies de cette fameuse séance capturée par Roberta Bayley, ainsi que d'autres documents et essais, notamment le témoignage de Craig Leon, le producteur qui a enregistré cette pépite sonique), est inséré dans le fourreau la version vinyle du mix mono : attention les VU-mètres vont restés perchés dans le vermillon, ça pète !!!

Doit-on en plus énumérer les groupes majeurs que les RAMONES, et particulièrement ce disque, ont influencé depuis ???? Ca serait indécent. Et par pitié n'allez pas dénigrer ce monument sous prétexte que ce n'est pas du metal. C'est juste de l'énergie à l'état brut, suffisamment pour aller se faire voir les snobinards du rock et autres, qui n'ont manifestement rien compris à cette déclaration d'intention. Et heureusement, derrière cette première page de testament, les quatre RAMONES sont tous morts : ils n'auront pas eu à endurer la honte de ce que certains ont fait de leur héritage.

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
Ses autres publications
Cookies et autres traceurs

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de Cookies ou autres traceurs pour mémoriser vos recherches ou pour réaliser des statistiques de visites.
En savoir plus sur les cookies : mentions légales

OK