31 janvier 2014, 11:40

DREAM THEATER @ Paris (Le Zénith)

En trois heures et deux parties, DREAM THEATER a renoué avec son amour des concerts fleuves. La set-list 2014 est moins tournée vers le "profane" que la précédente, même si la première partie, très variée s'avère impeccable. La seconde, après le passage dédié aux 20 ans d'"Awake" connaîtra quelques longueurs "techniques" en dépit d'un groupe musicalement toujours irréprochable. Question de feeling…

 

2014 © Leonor Ananké
 
Si jamais on venait à lister les scandales et tragédies entourant le monde "sulfureux" du Metal, sûr que DREAM THEATER n'arriverait pas en tête de liste. On aurait même du mal à trouver une note de bas de page à écrire sur le groupe. L'alcoolisme de Mike Portnoy jadis, maybe…mais depuis Mike s'est repris, puis il est parti. Ou plutôt on lui a fait comprendre que c'était aussi bien sans lui. Bref, cela fait déjà trois ans et deux albums qu'il faut compter sans le fantasque showman, sans le batteur qui parfois rimait un peu avec dictateur. Et avec un groupe revenu à une certaine forme d'équilibre, au point de désormais partir en tournée avec une set-list qui ne bouge pas d'un iota du début à la fin de la tournée. En revanche, suite à la tournée 2012 où le groupe ne jouait que deux heures ce soir DREAM THEATER était de nouveau en mood concert épique. Comprendre trois heures. Il faut pouvoir tenir. Eux le peuvent ! Même s'ils ne bougent guère plus que d'accoutumée, ceci expliquant peut-être à moitié cela. La tournée baptisée "Along For The Ride", était aussi sous-titrée "An evening with Dream Theater". Ce concept très usité en Amérique du Nord depuis une dizaine d'années (RUSH, JOURNEY, Mark Knopfler…) signifie qu'il n'y aura pas de première partie, mais juste  un show au long-cours en général en deux parties, où le groupe revisite toute sa carrière, déterrant d'obscures rengaines. Ce ne sera pas tout à fait le cas ce soir, mais nous y reviendrons.
 
Commençant son premier set à 19 h 30 tapantes, les Américano-Canadiens prendront pas mal de fans au dépourvu, puisqu'on en verra arriver jusqu'à 20 h 30 passées. Apparemment, le concept de la soirée n'était pas forcément clair pour tout le monde. Nous-mêmes manquerons un titre et demie, la faute à un RER C paresseux, bloqué dans le 15e suite à un "accouchement en gare de Brétigny", nous assure-t-on au micro. Si, si… Nous arrivons donc sur la fin de "The Shattered Fortress", dans un Zénith bien garni, et dont la densité ira grandissant. Le titre fini, James LaBrie très en forme salue, remercie, et discute cinq minutes, content d'être une fois de plus à Paris, avant d'attaquer le très chantant "On The Back Of Angels", première incursion sur le "A Dramatic Turn Of Events de 2011. Suivra le bref mais pêchu "The Looking Glass", alors que sur scène, un élégant backdrop du style mur d'usine graffité fait office de décor. Sur la gauche on peut y lire en allemand "Theater der Traüme", soit le nom du groupe dans la langue de Günter Grass et de Rudolf Schenker. Hormis cela, un écran géant occulte parfois le décor pour alterner vues du groupe en action et petits clips où un taxi jaune de la compagnie "Majesty Taxis" -attention clin d'œil-  vit ses aventures de taxi, introduisant les morceaux à venir.  Jordan Rudess a toujours son clavier flexible et pivotant, avec son lutrin au logo du groupe. Il le quittera d'ailleurs sur l'acclamé "Trail Of Tears", rescapé de 'Falling Into Infinity', l'album mal-aimé du groupe (et pourtant!) pour venir jouer du clavier en bandoulière, genre DURAN DURAN il y a 25 ans.
 
2014 © Leonor Ananké
 
Mike Mangini lui,campe derrière un kit qu'on qualifiera pour le moins d'imposant, dans sa cage sertie de quatre grosses caisses -avec rangée de percus tubulaires en sus-. Toutefois, comparé à son ludion de prédécesseur, il se fait tout petit et laisse sa batterie parler pour lui. Avec moins de trois ans dans le groupe et un statut à peine au-dessus de celui de mercenaire, Mangini est là pour jouer et il le fait bien. Propre, sans bavures, sans trop de folie non plus. Mais encore une fois, c'est avant tout un requin, pas un rocker déjanté à la Portnoy. Et puis, côté affluence, ça le change quand-même d'ANNIHILATOR, hein !  ;-) Pour fêter ça, il envoie l'intro baston de "Strange Enigma", avant de se fendre d'un solo avec quelques clins d'œil à Neil Peart de RUSH, LE groupe référence de D.T. Suivra le suave "Along For The Ride" et le très proggy "Breaking All Illusions", morceau magnifique où chacun se distingue tour à tour et dont les claviers aux petits accents ROYAL HUNT / BON JOVI des débuts ne laissent de surprendre.  C'est ici que s'achève cette première partie plutôt tournée vers le DREAM THEATER d'aujourd'hui. Et qui sera pour moi la plus réussie de la soirée.
 
Après un entracte de 20 minutes, le groupe frappe pourtant fort et lourd en dégainant "The Mirror" et "Lie" avec un son toujours aussi cristal-clear. La doublette achevée et le public aux anges, LaBrie nous renseigne un peu plus sur l'état d'esprit de la tournée. Le quintet a en fait voulu mettre à l'honneur deux anniversaires. Les 20 ans d'"Awake", et les 15 de "Scenes From a Memory", dont quatre titres constitueront le rappel. Il va donc piocher trois titres supplémentaires d'"Awake", à commencer par le magnifique et très rare "Lifting Shadows Of a Dream", qui après les deux cavalcades précitées ramène effectivement une part de rêve à notre théâtre ce soir. S'ensuivra l'un peu longuet "Scarred" et l'inédit "Space Dye-Vest", pièce à l'époque signée 100% Kevin Moore, premier claviériste du groupe. En spectateur pas vraiment jusqu'au-boutiste, on aurait préféré un petit "Caught In a Web", mais le groupe est seul maître à bord, ce qui ne semble pas gêner les fans qui connaîssent par cœur toute la geste dreamienne de A à Z. Parfois, on se demande s'ils se lèveraient en cas d'incendie ! Faites le test du bar à un concert de DREAM THEATER, c'est désert, et ce depuis 93 ! Même lorsque l'éternel et multicouches (22 min !) "Illumination Theory" vient s'ajouter à la liste. Devant tant de pompe, on a largement le temps de détailler les musiciens et de laisser notre esprit vagabonder. Car avouons-le, devant une telle avalanche de notes, il arrive que l'on décroche un peu. Et, à voir Jordan Rudess grimacer de profil derrière ses claviers, on pense parfois qu'avec 30 kilos de plus et un bonnet rouge, il ferait un admirable sosie du nain Potiron, le copain de Oui-Oui. Mais je m'égare…
 
2014 © Leonor Ananké
 
Quant à James LaBrie, s'il n'est pas et ne sera jamais la plus belle voix du royaume, son registre s'élève à chaque tournée. Coaching vocal aidant, lui qu'on a connu plusieurs fois au bord des limites chante désormais sans plus de risque de cassure. En même temps, on se dit qu'il peut enfin choisir les titres les plus adaptés à sa tessiture en live… De plus, terminée cette impression pénible qu'il passe la moitié du concert à envoyer des sms en coulisse. Mike Portnoy parti,  Môssieur Kevin James LaBrie peut enfin se comporter comme porte-micro et meneur de show de DREAM THEATER. John Petrucci à sa droite reste lui à un niveau intouchable et d'une allure imperturbable, même sous les vivats de la foule qui semble toujours l'acclamer un peu plus que les autres. D'ailleurs en parlant d'imperturbable, John Myiung, l'homme le plus effacé du Rock'n'Roll circus fait le job comme toujours sur sa basse six-cordes. On va dire qu'on le remarque peu, mais que son absence ferait du bruit…C'est là qu'on se dit parfois que les pitreries de Derek Sherinian au clavier et les jaillissements subits de Portnoy derrière ses toms amenaient un peu de fantaisie chez D.T. Mais comme Capri, c'est fini !
 
2014 © Leonor Ananké
 
Le rappel, lancé par l'instrumental "Ouverture 1928" suivi de "Strange Déjà Vu", se poursuit avec "The Dance Of Eternity", second instru qui ventile dans tous les coins, la phase plus qu'ultra-technique du concert où Petrucci et Myiung s'en donnent à cœur joie. Un peu inhumain parfois. Puis on ferme la boutique sur "Finally Free", dont le final atmosphérique permet au sieur LaBrie d'arpenter la scène afin de remercier les fans. Nul "Pull Me Under" ou autre hymne à chanter en chœur ne viendra donc clore la soirée. Je sais!,  DREAM THEATER ce n'est pas la Fête de la Bière et on n'est pas là pour montrer qu'on sait gueuler plus fort à bâbord qu'à tribord. Mais parfois, ça manque. Le groupe qui a tout donné pose pour la photo souvenir dos à la foule, puis rideau sur cinq quinquas qui jouent comme si le temps n'existait pas.
 
 
Histoire de râler un peu, on dira juste qu'on aurait aimé un peu plus de "déroulé de carrière", suivant le concept du "An evening with" dont on vous parlait au début. Un morceau par album quoi. Ce qui aurait permis de goûter au trop rare "Only a Matter Of Time", par exemple, tuerie grandiose échappée du tout premier disque -sans James La Brie donc- ou à "Take The Time" ou à " As I am" pour de petits moments Heavy et chantants à la fois. Car en fait malgré les trois heures de jeu au chrono, DREAM THEATER n'aura tourné qu'avec six albums sur douze, dont deux représentés par un seul titre. Mais on a une solution pour la prochaine fois : jouer deux soirs de suite comme à la Mutualité en octobre 2002 quand le groupe avait brillamment repris "The Number Of The Beast" de MAIDEN le second soir. Ce qui permettrait de piocher dans chaque album. Allez les mecs, on chipote. Vous revenez quand vous voulez.

 

 
2014 © Leonor Ananké
 
 
Blogger : Guillaume B. Decherf
Au sujet de l'auteur
Guillaume B. Decherf
Fan de comédies romantiques avec Meg Ryan, grand lecteur de Sylvain & Sylvette, ancien scout et enfant de choeur qui carbure au coca zero et aux carambar...étrangement, je suis pourtant fan de metal depuis la même époque. Autrefois, les anciens appelaient ça du hard-rock. Et depuis, rien ne me motive plus que de me rendre en concert, prendre la température live de mes héros de naguère ou voir ce que donne la relève. Journaliste culture "tous terrains", j'ai au fil des ans et des titres où je suis passé, interviewé une grande part des groupes qui m'ont fait rêver -ou pas...mais peut-être que vous, ils vous font rêver- et je continue. Vous livrant ici, des interviews restées inédites ou dont seule une infime partie a été exploitée. Faut pas gâcher !
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