Stop ! Arrêtez sur le champ ce que vous êtes en train de faire. Si, si, même le boss, aussi buté et obnubilé soit-il par son sacro-saint chiffre d’affaire et ses marges, doit comprendre qu’il y a des impératifs dans la vie. Séance de rattrapage immédiate : on ne peut décemment pas passer à côté de l’excellent album de BLOOMING DISCORD, quintet de metal alternatif originaire de Marseille formé en 2015 (retrouvez l’interview que le groupe a accordé à Jérôme Graëffly ici).
« Memories From The Future » est son premier album, après deux EPs de cinq titres (« Brambles And Bones » - 2018 et « Shambles And Stones » - 2022). Il a été enregistré chez Homeless Records, le studio de Florent Salfati de LANDMVRKS. Et c’est une véritable pépite, probablement l’une des meilleures révélations de l’année, tant la proposition du groupe est aboutie, solide et convaincante. Il serait indécent de le laisser dans l’ombre avec un tel talent !
D’emblée, on se prend le refrain de "Latch" dans les esgourdes et c’est le genre de refrain imparable qui vous grignote la cervelle sans relâche, même dans votre sommeil. On est ici en présence de Karim Arnaout ("Kage" pour les intimes, également au micro chez SUNBEAM OVERDRIVE), un chanteur caméléon façon Mike Patton ou Corey Taylor, complètement barré et exceptionnel, avec des faux-airs de Chris Cornell, pouvant alterner avec sa superbe voix claire ultra mélodieuse, des growls profonds, des cris de fou furieux, des passages en spoken word donnant un côté théâtral jouissif ("The Saddest Of Playgrounds", "Memories From The Future"), le tout avec un aisance peu commune. Et une sensibilité à fleur de peau ("Unlive"). Il est épaulé par une paire de guitaristes de haute volée (Sam - guitare-lead et Vincent Dorel - guitare rythmique) ainsi qu’une section rythmique qui balance du groove par quintaux (Anthony Ferrante - basse et Sébastien Lantelme - batterie). Il ressort effectivement de cet album une haute dose d’énergie et de fun, quelque chose de lumineux, mais aussi de sombre, à l’image de la Méduse d’un jaune éclatant ornant la pochette qui capture l’attention de cet enfant plongé dans le noir. L’alliance de l’intensité et de la profondeur.
Gros riffs efficaces et refrains catchy donnent la ligne de conduite de ce metal moderne d’inspiration éclectique. On y retrouve essentiellement des airs de STONE SOUR, mais aussi de FAITH NO MORE et SYSTEM OF A DOWN pour le côté déjanté ("Latch", "You Won’t Be Alone"), du SLIPKNOT et des touches de grunge au sein d’une même chanson ("Trapped Again"), de pop et d’électro façon ELECTRIC CALLBOY ("Idolies", "Phantoms In Disguise"), avec l’énergie décomplexée d’un punk-rock aux accents thrashisants ("Satellized", "Absolved") et même quelques traces de prog, notamment sur l’excellent morceau final, "Memories From The Future". Lorsque l’on sait que les cinq larrons viennent tous d’univers différents et que l’écriture est essentiellement collective, on comprend mieux comment tous les ingrédients ont été jetés dans le chaudron pour en faire une recette unique, une mixture originale et surprenante mais particulièrement digeste et savoureuse. En quelque sorte, la bande originale d’un cartoon Tim Burtonien festif, coloré, mais également glauque et un brin fêlé quand même.
Car si la musique donne cette impression de fiesta non-stop, le fond est plus noir qu’il n’y paraît de prime abord. En effet, les thèmes abordés par Karim évoquent avec un point de vue philosophique la spiritualité, l’amour et l’amitié, le progrès et la perception parfois faussée que l’on a de la réalité. L’importance que l’on peut accorder à certaines choses qui ne sont, somme toute, pas vitales et la peur d’un vide qui peut s’avérer parfois nécessaire pour grandir, évoluer et faire peau neuve.
Aucun morceau n’est à jeter sur cet album, cependant, certains sortent du lot par leur originalité, leur force d’évocation ou leur immédiateté. On pense notamment à ce "Latch" explosif, choisi judicieusement comme premier single, à "Phantoms In Disguise" et "Memories From The Future", avec leur côté épique qui devrait faire des merveilles sur scène, au bien bourrin "The Saddest Of Playgrounds", ainsi qu’à la très belle ballade, "Unlive", composée par Anthony, sur laquelle Karim donne à entendre sa voix chaude et profonde sur fond de notes de piano délicates, et dotée d’un superbe solo. Une autre facette du groupe qui mérite d’être explorée et dont on admire la justesse de ton.
Après l’écoute de ce fabuleux « Memories From The Future », on parie à coup sûr que vous aurez bien du mal à vous replonger dans votre boulot malgré les injonctions du boss. Impossible de résister à l’attrait de cet album, on y retourne sans cesse. BLOOMING DISCORD a réussi un coup de maître pour ce premier long format et le talent du groupe est tel qu’on ne peut que lui souhaiter de toucher le plus de monde possible, de gravir les échelons de la reconnaissance et de venir présenter ses compositions ultra efficaces et jubilatoires sur toutes les scènes de France et d’ailleurs. Un groupe à surveiller de très près !