22 mars 2024, 20:11

Alice Cooper

"Billion Dollar Babies - 50th Anniversary Deluxe Edition"

Album : Billion Dollar Babies (50th Anniversary Deluxe Edition)

Ici Jesse, docteur ès Cooper

C’est drôle, en ces périodes où tout presse, où tout est urgent, où tout doit être prêt pour hier, toutes les rééditions anniversaires d’ampleur sont au moins en retard d’une année. Hey, messieurs les chefs de projets marketing, pour que votre promo colle au calendrier, anticipez vos programmes en fonction des dates et surtout des embouteillages monstres en sorties d’usines de pressage ! On sait qu’il y a de la commande au portillon, mais faire coïncider des dates aurait davantage de panache. 

Pour notre petite affaire, « Billion Dollar Babies » est sorti en mars 1973 – il y a donc 51 ans. Et on célèbre rarement les 51 ans de tatie Alice. Par contre, pour elle et sa famille, attendre un an supplémentaire pour s’en mettre un coup derrière la cravate, c’est long. 

Rappelons que c’était déjà en juin 2023 qu’étaient sorties les deux premières salves de rééditions, merveilleuses, de « Killer » et « School’s Out » : notre avis sur l’affaire, vous pouvez le retrouver ICI. Pour ceux qui s’en rappellent, nous nous étions enflammés à leur sujet, tant le contenu était aussi beau que le contenant, avec un respect rigoureux des packagings et des artworks originels.

C’est donc le 8 mars dernier qu’est ressorti « Billion Dollar Babies », dans une version triple en vinyle qui surpasse nos espérances – et pourtant nous l’attendions de pied ferme, depuis des années... auxquelles vous en rajouterez donc une. C’est simple : à défaut de ne pas pouvoir adopter de boa constrictor à la maison, depuis sa réception, l’on passe son temps à en caresser la pochette gaufrée, façon écailles glaciales de serpent verdâtre, tel un obsédé fétichiste : à ce point-là, rarement vu une reproduction aussi belle et appliquée. On est loin des copies dégueulasses débitées à la chaîne sans respect des masters originels, qu’ils soient sonores ou visuels – et c’est ce qui dégueule pourtant des bacs un peu partout, tant l’on s’est hâté de tout rééditer à tout prix en vinyle, peu importe la qualité finale. Eh non, tout vinyle n’est pas bon à prendre – « méfiez-vous des contrefaçons » comme on disait : il y en a même... des officielles. 

Pas de ça ici : le « Billion Dollar Babies - 50th Anniversary Deluxe Edition » est une beauté, et avec un titre aussi luxueux, il ne pouvait décemment pas en être autrement – de plus, même avec une mise de départ non négligeable (on est quand même autour des 70-80 euros de prix de vente, selon le point de vente), vous en ressortirez plus riche d’un milliard de dollars, grâce à son billet de banque XXL inséré à l’intérieur. Oui, parce que cette pochette, quasi identique à l’originale, était révolutionnaire, comme celles qui l’ont précédé dans le catalogue d’Alice : même de grande taille, la pochette représente un épais portefeuille que vous peinerez à rentrer dans votre poche de jean, mais qui fera son petit effet au pied de votre chaîne stéréo. Glissé dans le triptyque, un épais livret de liner-notes format 33 vient offrir de précieux éclaircissements sur la conception de ce chef d’oeuvre à l’époque, en recueillant la parole de chacun. Et gare à celui qui osera découper, selon les pointillés, les vignettes cartonnées des musiciens incrustées dans la pochette intérieure : ça serait ballot de nuire à une telle merveille.

Par contre, cette chronique ne concernera en réalité que les amoureux de l’objet, et non ceux qui possédaient déjà la réédition Rhino de 2001, sortie en double CD digipak : en effet, il n’y a aujourd’hui pas grand chose de neuf au menu, à l’exception de quatre versions single que vous n’écouterez qu’une seule fois. Pour le reste, certes « Billion Dollar Babies » a été à nouveau très proprement remastérisé en 2023 (à l’heure !) et le rendu sonore est une nouvelle fois exceptionnel – tandis qu’en guise de bonus, les fans connaissent donc déjà par cœur le live de la tournée correspondante (jadis tant bootleggé), capté à Houston et Dallas les 28 et 29 avril 1973, figurant déjà sur la bande son du film-concert « Good To See You Again, Alice Cooper », à l’époque édité en VHS puis en DVD : étrangement, sur la réédition Deluxe de 2001, il manquait les titres ''School’s Out'' et ''Under My Wheels''. Depuis, le live était ressorti en intégralité pour le Record Store Day de 2019, sous une superbe pochette noire et dorée, avec un 45-tours bonus contenant les deux chansons pré-citées. Ici, en sus du show cette fois complet, les mêmes inédits viennent compléter l’affaire sur le troisième 33-tours, avec les outtakes ''Cool Black Model T'' et ''Son Of Billion Dollar Babies (Génération Landslide)'', ainsi que le single bonus ''Slick Black Limousine'' (sorti à l’époque en flex-disc exclusif avec un numéro du NME).

Tout docteur ès Coop que l’on est, je ne vous ferai pas l’affront de chroniquer ici l’intégralité de l’album et de paraphraser toutes celles qui ont précédé cet article : impensable, déjà, d’avoir poursuivi la lecture ici sans en connaître une note (à moins que votre curiosité vous honore). Au mieux pouvons-nous assumer qu’il s’agit ici de l’album le plus grandiose et spectaculaire du ALICE COOPER GROUP, plus cinématographique même que théâtral, tant les morceaux sonnent en Panavision et en Technicolor, acmé de la démesure artistique post-dadaïque des cinq freaks de Phoenix, ici à nouveau dirigés par leur mentor et maestro – Bob Ezrin à la production. Trois, voire quatre de ses chansons sont invariablement au menu de ses cent concerts annuels depuis (''Elected'', ''Billion Dollar Babies'', ''No More Mr. Nice Guy'' et ''I Love The Dead'' – seulement son refrain le temps de l’exécution sous la guillotine), et le reste n’est que la bande originale d’un improbable film-cartoon psychédélique, arty, horrifique, rock'n'roll et baroque à la fois, qui plus est interdit aux adultes : oh, vous pouvez avoir plus de 18 ans, no worry – mais vous devez impérativement garder une âme de gamin pour adorer ce disque. Tout juste aimerais-je mettre l’accent sur son ouverture si sensationnelle, ''Hello Hooray'' : pour mieux la comprendre encore, je vous invite à revoir la séquence d’introduction du documentaire Super Duper Alice Cooper. C’est comme un feu d’artifice sous LSD dans un Music Hall – où le noir et blanc de l’entertainment hollywoodien d’hier prenait soudainement des couleurs vives et explosives à la gloire de son sujet, en plein excès de mégalomanie et de dérision à la fois. C’est un peu la chanson du Culte du Duce, revu par Groucho Marx. Et c’est exceptionnel. Une entrée en matière faramineuse, pour l’un des meilleurs disques rock de tous les temps.

Remember the Coop’, hein, et caressez-moi cette pochette.

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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