PARADISE LOST

Bon, autant se le dire tout de suite, le fait de réenregistrer un album trente ans après sa parution n’a pas grand-chose en soi pour plaire au fan dévoué. Pourquoi ? Cela tient très simplement en un mot : la nostalgie. La nostalgie mais aussi ce plaisir viscéral lié à la découverte et aux émotions ressenties lors de ce moment unique où les premières notes de "Embers Fire" étaient alors lâchées. Ces mêmes émotions qui n’ont (toujours) pas de prix. D’autant plus qu'il s’agissait alors d’un moment décisif pour le quintet d’Halifax qui, avec « Icon », passait un cap essentiel à peine un an et quelques mois après la sortie d’un « Shades Of God » déjà référentiel. Il n’y a qu’à pour cela voir les chiffres de vente du disque en Allemagne, classé pendant plus de treize semaines dans les charts. Salut les petits clous. Rouillés, pour sûr. Ouille.

Et ce que l’on serait en droit d’attendre devrait être... à mon sens, une réinterprétation audacieuse de chacun des treize morceaux qui ont donné ces lettres de noblesse à ce qui est, encore aujourd’hui, l’un des dix commandements du doom/death. Puisqu’aux côtés de ses petits copains MY DYING BRIDE et ANATHEMA, qui constituaient alors la sainte triarchie du genre outre-Manche, PARADISE LOST a, avec « Icon », rédéfini un genre avec cette classe "so british" qui lui sied toujours comme un gant. Les mélodies tire-larmes jaillissaient en effet ici à chaque coin de riff, les lignes de chant de Nick Holmes faisaient mouche et les parties de Matt Archer, batteur attitré à l’époque, envoyaient du bois aux côtés des brasiers allumés par Greg Mackintosh et Aaron Aedy, guitaristes inspirés. Voilà un travail d’orfèvre, méticuleux et passionné, qui a gravé pour l’éternité des morceaux comme "Embers Fire", "Colossal Rains", "True Belief" ou "Shallow Seasons" dans le marbre. Non, ne cherchez pas, rien n’est à jeter sur l’original parfaitement produit par Simon Efemey et Pete Coleman, qui restera encore un monument du genre pour très longtemps. Pour toujours d’ailleurs.

Pour en revenir à ce "réenregistrement"... que dire à part que n'ayant plus les droits sur l'original, le groupe devait le réenregistrer pour célébrer son anniversaire et qu’il bénéficie, évidemment, d’une production moderne en diable signée Jaime Gomez Arellano. Et d’une réinterprétation très, trop, fidèle des morceaux orignaux. Pour ce qui est de la valeur ajoutée, il faudra repasser. Oui, je sais, je suis dur. Mais à ce niveau, il est impossible d’approuver cette démarche sans avoir une réelle volonté de transcender l’original pour redonner un aspect flambant neuf à l'ouvrage... Avec ces trente années qui nous séparent de la date de parution de l'original, PARADISE LOST aurait pu/dû injecter ces trois décennies d'expériences et d'expertises pour créer une nouvelle expérience. Et donner à cet album le traitement qu'il mérite désormais en 2023. Mais il s’est ici contenté de sonner juste "plus moderne" sur ces treize morceaux qui demandaient tellement plus. Un exercice scolaire qui, s’il avait était pris avec plus de sérieux, aurait pu devenir un travail de maître. Même les meilleurs peuvent se tromper...