Que les choses soient bien claires, « Pharos », le nouvel EP d’Ihsahn est l’exact opposé de « Telemark », le premier, sorti en février dernier. Conformément à ce que l’artiste a indiqué dans plusieurs entretiens en début d’année, il a préféré sortir deux EP que d’en faire un seul album, tant les chansons, et l’ambiance qui s’en dégage, sont radicalement différentes. Deux visages pour un compositeur aux multiples facettes, qui excelle aussi bien dans le black metal, violent, glaçant et agressif à souhait, que dans le rock progressif le plus mélodique à tendance pop, caressant et atmosphérique. Le yin et le yang d’un artiste accompli.
Ainsi donc, après une intro étrange, et l’ambiance mystérieuse qui en résulte, "Losing Attitude" débute tout en douceur et délicatesse, laissant la place à la voix claire très mélodique et bluesy d’Ihsahn. Cependant, les guitares ne sont pas absentes, offrant un pont râpeux qui contraste merveilleusement avec le rythme chaloupé de la chanson. S’en suit "Spectre At The Feast", qui avait été dévoilé comme premier single. Doté d’un style jazzy, presque cinématographique, avec des nappes symphoniques fort bien construites, le titre fait mouche avec son refrain accrocheur et son solo de guitare inspiré, où chaque note est à sa place. La pièce maîtresse de ces trois nouvelles compositions se révèle être la chanson éponyme, "Pharos", qui nous balade entre douceur mélodique, sensualité exacerbée, et refrain angoissant, à la lourdeur symphonique prenante. Tout l’art du Maestro est de nous emmener visiter des paysages complètement différents, et qui restent pourtant parfaitement cohérents, au sein d’une même chanson. Où comment passer du chaud au froid sans crier gare, tant la maîtrise de la musicalité est absolue. Ici, point de cris, ni de hurlements, et pourtant, les chansons n’en sont pas moins prenantes. Superbe.
Les deux titres suivants sont des reprises, comme sur l’EP précédent. La première est "Roads" de PORTISHEAD, et quelle agréable surprise d’entendre Ihsahn utiliser sa voix de tête, claire, sensible et émouvante. Magnifique travail effectué par le musicien, qui dote cette reprise d’un groove subtil et sexy, gommant le côté mélo trop présent et un peu crispant de l’originale. Puis enfin, place à la magnifique chanson de A-HA, "Manhattan Skyline", chantée par Einar Solberg (LEPROUS), qui a déjà travaillé à maintes reprises avec son illustre beau-frère. Et qui mieux qu’Einar, avec sa voix si sensible et unique, pour prendre la place de l’excellent Morten Harket, inoubliable chanteur du célèbre groupe pop ? Fidèle à l’originale, les deux musiciens rendent ici un bel hommage à l’un des plus fameux groupe norvégien des années 80. Même si l’on aurait aimé qu’Ihsahn se déchaîne plus longuement sur le solo de guitare, on ne peut s’empêcher de penser que ce touche-à-tout génial excelle vraiment dans tous les domaines.
« Pharos » est une nouvelle preuve du talent sans limite d’Ihsahn, un artiste qui fait tomber les barrières depuis des années et mélange merveilleusement tous les styles, sans se poser la question de savoir si ça va plaire ou non. Sans s’inventer des contraintes de limite de genres. Un vrai rebelle dans son attitude. Et surtout, un artiste libre.