1 juillet 2015, 19:03

FAITH NO MORE : Rééditions

"The Real Thing" & "Angel Dust"

C'est doublement secoué que l'on aborde cette chronique. D'abord, en toute subjectivité confiée, FAITH NO MORE a toujours fait partie de mon Top 10, ever. Depuis ce jour de 1989 où un mec vachement plus âgé que moi et qui ressemblait presque, un peu, à Mike Patton, me filait une copie éventée de "The Real Thing" en cassette. Choc, évidemment. Révolution, comme vous tous. Et comme pour tous ceux qui ne s'en sont toujours pas remis et qui continuent à vouer un culte de flippés au groupe.
Orphelin de leurs albums depuis 1997, je n'osais MEME PAS écouter le lien en streaming sécurisé que le label m'avait fait parvenir plusieurs semaines avant la sortie de "Sol Invictus". Impossible d'écouter un tel objet de fantasmes dans de telles conditions - aussi pénible et ubuesque cette situation paradoxale pouvait-elle être. Dix-huit ans d'attente, l'album est enfin presque entre les mains, mais un blocage, psychologique, m'assaille : il fallait que je le mérite encore plus et que j'en déguste les pleines saveurs. Geek, nerd, maniaque, fétichiste et carrément  masochiste, j'attendis le moment même où la maison de disques m'envoya le CD pour enfin rompre mon attente psychotique en l'insérant, comme avant, comme toujours, dans ma platine Marantz de 11 kilos et d'en savourer le résultat sur ma double stéréo qui bastonne. Et "Sol Invictus" de commencer à peine, au bout de dix, quinze, vingt écoutes, à me révéler davantage de ses secrets - qui m'épatent et me chamboulent un peu plus chaque jour, sans que je puisse encore en révéler un avis définitif.

Peu de temps après, on célébrait et applaudissait le grand retour de FAITH NO MORE en tête d'affiche de notre beau Hellfest, après une première expérience tardive mais impérissable à la Médoquine de Bordeaux il y a exactement vingt ans le 22 juin 1995, puis lors de retrouvailles à Rock En Seine en 2009, devant une impressionnante foule de bobos opportunistes, ignares et inertes, incapables de capter ce qui se tramait alors devant eux : pauvres andouilles pour qui il ne comptait que d'être là et de témoigner du retour de l'un des meilleurs groupes du monde - nous, petite portion d'irréductibles passionnés, étions amassés au plus près de la scène, créant un fossé monstre entre les badauds hipsters de Saint Cloud. Inutile de rajouter d'ailleurs que le show du 20 juin 2015 fut d'une rare maestria, d'une rare intensité et d'une rare beauté, s'imposant de facto comme le meilleur concert du festival - doublé du meilleur concert des trois, en ce qui me concerne...

A ce printemps exceptionnel et donc pas mal sous le signe de FAITH NO MORE (entre autres...!), associons-nous également aux rééditions tant attendues de deux de leurs meilleurs  albums, parmi une discographie certes peu conséquente mais exceptionnelle. Chapeautés par Rhino, le label subsidiaire de Warner en charge d'exploiter et magnifier un épais back-catalogue avec une expertise jadis sans faille, aux packagings riches et aux contenus pour fins gourmets complétistes, ces deux chefs d'oeuvre s'alignent sur le format des doubles digipacks Deluxe déjà fameux chez Universal ou Sony via Legacy. Pourtant, si l'objet convoité séduit de prime abord après son "déblistérage" lubrique, on est quelque peu déçu par le choix des visuels qui ornent l'intérieur des CDs : des photos d'époque certes, mais avec trop peu de recherche artistique.

Quand au son, si les deux albums sont remastérisés en bonne et due forme et que le gain en dynamique et en puissance est relativement éloquent, vous n'obtiendrez pas grand chose d'extraordinaire par rapport à vos éditions originales. On ne va pas non plus revenir sur le contenu propre de "The Real Thing" ni de "Angel Dust", respectivement parus en 1989 et en 1992, vous en connaissez tous la substantifique moelle depuis 25 ans, et elle vous, nous, a traumatisé.

Attardons-nous davantage sur les bonus qui viennent surtout nourrir les deuxièmes galettes. Pour le premier album, rien de franchement saisissant, au mieux une (re)découverte de "Sweet Emotion", qui n'est pas du tout une reprise du tube d'AEROSMITH mais bien un morceau assez anecdotique des sessions "The Real Thing", disponible en '89 sur un 45 tours flexi-disc de l'hebdomadaire Kerrang ! , comme ça se faisait assez souvent à l'époque - et figurant également sur le CD bonus essentiel (que des raretés et B-sides !!!) de la compilation "The Ultimate Collection" déjà sortie chez Rhino. Les "Cowboy Song" et autre "The Grade" figuraient quant à elle au dos du maxi de "From Out Of Nowhere", tandis que l'on retrouve un trio de remixes inutiles, exercice tant en vogue pendant dix ans entre les milieux des années 80 et 90 : soit une relecture d'un tube potentiel avec un mixage différent, soit carrément une déformation artistique d'un single par la vision d'un DJ extérieur à qui l'on confie un massacre. Suivent trois morceaux lives enregistrés à Berlin (leur inestimable cover du "War Pigs" !) et à Sheffield sur la tournée européenne de 1990, celle sur laquelle fut capté le célèbre "Live At Brixton Academy" de Londres, et où l'on retrouve avec bonheur les "Underwater Love" et "As The Worm Turns" absents du CD.

Davantage de (fausses) surprises viennent orner le deuxième CD de "Angel Dust", même si elles sont déjà connues des collectionneurs et autres amateurs bien éclairés. A commencer par une "cooler version" du hit "Easy", ainsi que l'hideuse B-side de ce même single, ce "Das Schutzenfest" qui lorgne bien davantage du côté de MR BUNGLE avec cette rythmique Bontempi polka pour hymne bavaroise, où Mike Patton étend ses vocalises à l'allemand - convaincant, décalé et inécoutable pour les dizaines de milliers de jeunes clients de FAITH NO MORE de l'époque, tout juste séduits par leur reprise de LIONEL RITCHIE. "As The Worm Turns" et "The World Is Yours" sont des versions studio tirées des mêmes sessions de '92 et déjà disponibles ailleurs, tandis que la reprise des DEAD KENNEDYS "Let's Lynch The Landlord" figurait déjà au revers d'une des innombrables versions du single "A Small Victory". Idem pour tous ces affreux remixes à peine dignes d'une écoute curieuse, alors que l'on retrouve de nombreux extraits d'un célèbre concert donné à Münich le 9 novembre 1992, diffusé à la radio et mille fois bootleggé ("Be Aggressive", "Kindergarten", "A Small Victory", le rare "Mark Bowen" et "We Care A Lot" - mais pourquoi doit-on se satisfaire de ces versions poussives et négligées, au son cassette bien faiblard ? On se rattrape sur d'autres versions lives données aux US sur la même tournée, à Dekalb et St. Louis, elles-mêmes B-sides du single "Everything's Ruined"...

Au final, aucune réelle surprise ne vient alimenter ces deux ressorties à priori majeures. On est un peu déçu : oh, bien sûr les plus jeunes fans trouveront tout ce contenu peut-être inédit, mais les dingues de la première heure n'ont ici que de la récup' assez facile, de la bonne vieille face B, remix ou live, venant compléter les CDs singles de l'époque. Dommage lorsqu'on connait UN le sérieux jadis professé par Rhino pour faire saliver les fans exigeants, et DEUX la mine de concerts d'excellente qualité qui émaillent la carrière de FAITH NO MORE entre 1989 et 1993 pour l'époque ici concernée. Avec un paquet de références pirates disponibles, il y avait de quoi concocter de bien beaux CDs bonus bandants, les lives du groupe pouvant être aussi imprévisibles et truffés de surprises savoureuses.

Rhino, on fait mieux avec la réédition du colossal "King For A Day... Fool For A Lifetime", s'il vous plait ???

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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